Il est le pionnier du poker au Pays du Soleil Levant. Il est celui qui a fait décoller le jeu dans un pays où celui-ci est resté très longtemps mal perçu, bien plus longtemps que dans le reste du monde. Il a donc dû faire face à de nombreux détracteurs avant de parvenir au succès, sur lequel il plane désormais, au Japon comme ailleurs. Et il s’est donné une mission, faire mieux accepter et comprendre le poker aux japonais pour arriver, petit à petit, à l’ouverture des casinos. Un combat, après une annonce du gouvernement en décembre dernier, qu’il s’apprête à gagner.
Né le 23 Juillet 1981, à Nayoro, sur l’île d’Hokkaido, Naoya Kihara a vécu une classique enfance japonaise, consacrée essentiellement à ses études, jusqu’à obtenir un diplôme en Physique à l’université de Tokyo, et même à commencer une carrière d’enseignant. Mais en même temps que ses études scientifiques, Naoya s’est aussi adonné à fond à son passe-temps favori, le backgammon, jeu auquel il est devenu semi-professionnel.
Mais à la recherche de gains plus imposants, Naoya s’est ensuite rapidement tourné vers le poker en ligne et, fort de son expérience au backgammon, mais aussi au mah-jong et au shogi, il a très rapidement rencontré le succès. Deux coups d’éclats auront marqué sa carrière, les deux durant l’année 2012. Le premier fut certainement celui qui a permis le deuxième. En effet, il remporta un tournoi du prestigieux World Series of Poker, et devint ainsi le premier japonais dans l’histoire à remporter un de ces fameux bracelets qui couronnent les poignets des champions. Avec cette victoire, outre la renommée de ses pairs, Naoya remporta également un demi-million de dollars.
Quelques mois plus tard, il devint aussi le premier japonais à rejoindre la team Pro de PokerStars. La preuve qu’il est celui qui a permis le développement du poker au Japon est que, depuis, d’autres japonais ont rejoint l’écurie de la marque au pique rouge, notamment le joueur en ligne Kosei Ichinose et la mannequin Yuiko Matsukawa. Au total, Naoya Kihara a amassé plus d’un million de dollars de gains au cours de sa carrière au poker, n’étant dépassé que par un seul autre Japonais à ce classement, le sulfureux Maasaki Kagawa.
Mais ce qui a fait encore plus la renommée de Naoya, c’est son côté toujours poli et souriant au cours des tournois, et sa vie simple malgré ses gains importants. Par son comportement aussi bien que par ses nombreux interviews qu’il a donnés au Japon, il veut prouver que le poker n’est pas ce qu’une majorité de japonais pensait encore il y a une décennie, à savoir un jeu de hasard, voire de triches, à la mauvaise réputation. Il a su démontrer que le poker est avant tout un jeu de stratégie et de concentration, et qu’il n’est pas si simple d’y réussir.
Dans un pays qui a toujours considéré les casinos et le poker comme problèmes potentiels, son message a mis du temps à passer, même s’il a petit à petit commencé à toucher les jeunes générations. D’autant plus que les jeux d’argent ne sont pas tous interdits au Japon, il n’y a qu’à voir la popularité des courses de chevaux ou de hors-bords, ou des jeux spécifiquement japonais comme la pachinko, qui rapportent beaucoup.
A force de répéter son message apaisant, et avec l’imminence des Jeux Olympiques de Tokyo en 2020, le gouvernement a finalement fini par lâcher du lest et a voté une loi autorisant l’ouverture des casinos, même si celle-ci a été très fortement contestée par l’opposition. Rome, pas plus que Tokyo, ne s’est faite en un jour. Ainsi il faudra attendre encore de nombreuses années avant de voir la première salle de casinos ouvrir ses portes sur le sol japonais, mais celle-ci n’est désormais plus qu’une question de temps. Et si Naoya Kihara devenait le premier japonais à remporter un tournoi de poker … au Japon ?